Lézard vivipare

Il a déjà changé…

 
>>> Suivi effectué au Parc national des Cévennes

Espaces naturels n°15 - juillet 2006

Le Dossier

Manuel Massot
Université Marie et Pierre Curie Paris - Cnrs
Jean Clobert
Laboratoire Diversité biologique - Université de Toulouse
 

A ce jour, nombre d’espèces ont déjà réagi au réchauffement climatique. Les principales
observations portent sur les décalages dans les activités saisonnières des individus et des glissements d’aire de répartition géographique. D’autres modifications de natures diverses (physiologiques, morphologiques, comportementales, démographiques, génétiques) ont certainement dû se produire, mais cela reste peu étudié. C’est ce qu’illustrent les résultats d’un suivi de vingt-trois années de populations de lézards vivipares, dans le Parc national des Cévennes, au travers d’une diversité des réponses au réchauffement climatique. Il a ainsi été montré que l’augmentation locale des températures a induit un accroissement de 28 % de la taille des jeunes et de 12 % de celle des femelles adultes, une augmentation de 25 % de la taille des portées, une réduction de 50 % des mouvements de dispersion et un avancement des dates de ponte de dix jours. Ces réponses sont très marquées et diversifiées : elles témoignent d’un clair bouleversement du fonctionnement des populations. De manière surprenante, l’abondance du lézard vivipare dans les populations suivies n’a pas encore été altérée de manière notable. Ceci souligne l’utilité d’étudier une diversité de paramètres lors des suivis afin d’anticiper le plus possible les conséquences du changement climatique sur les populations. Face à la menace majeure du changement climatique, les gestionnaires des espaces naturels auront la difficile tâche de rechercher un compromis entre assurer des suivis assez sommaires sur le plus grand nombre possible d’espèces et mettre en place des suivis plus poussés sur les espèces les plus susceptibles de répondre fortement au réchauffement. Ces espèces sensibles pourraient être ciblées parmi celles les plus exposées aux contraintes thermiques comme les espèces en limite latitudinale ou altitudinale d’aire de répartition. Plus les paramètres considérés seront nombreux, meilleure sera la compréhension des perturbations liées au réchauffement, et plus les stratégies de gestion pourront être optimisées.