Les paiements pour services environnementaux

 

Espaces naturels n°71 - juillet 2020

Aménagement - Gouvernance

Raphaëlle Lavenus , ingénierie BRL, Laura Léotoing , Association des Parcs naturels du Massif central, Ipamac

Plus souple que les dispositifs institutionnels, ce type de contrat de nature multiple vise à favoriser les bonnes pratiques contre indemnisation.

Tourbière de Gimel (PNR Pilat) -  © J. Palle

Le Paiement pour services environnementaux (PSE) est un outil de protection environnementale, assez récent et qui tend à se développer puisqu’il est notamment envisagé dans la prochaine programmation de la Politique agricole commune 2021-2027. Comment fonc- tionne-t-il ? Un PSE vise à reconnaître, par des acteurs privés ou publics, les bénéfices environnementaux créés par des pratiques respectueuses de l’environnement en rémunérant les acteurs (agriculteurs, exploitants forestiers...) qui mettent en œuvre des actions pour restaurer ou préserver les services écosystémiques. Il s’agit d’un contrat flexible, qui peut prendre plusieurs formes (contrat négocié de gré à gré, bail rural environnemental, MAEC, charte...), basé sur le volontariat et défini« sur-mesure ». Les différentes parties prenantes au contrat se mettent en effet d’accord sur le cahier des charges de bonnes pratiques, le montant et les conditionnalités du paiement et la durée d’engagement. L’outil se montre adapté aussi bien à une démarche préventive que curative et présente des applications très variées : protection des ressources en eau, entretien des paysages, préservation des puits de carbone, de la biodi- versité...

Quelques conditions doivent cependant être réunies pour garantir son effica- cité. Tout d’abord, en amont, les partenaires doivent vérifier l’ « additionnalité environnementale » du PSE. Il s’agit de s’assurer que la démarche va générer une réelle plus-value écologique par rapport à un scénario de référence : permet-il d’aller au-delà de la réglementation ? D’autres outils à disposition, et à moindre coût, ont-ils déjà été mis en œuvre ? Pourquoi ne suffisent-ils pas ? Par ailleurs, des données scientifiques et techniques, claires, objec- tives et fiables, sont nécessaires. Le fonctionnement de l’écosystème et les liens avec l’utilisation des terres et les activités économiques doivent ainsi être bien connus et partagés par tous les acteurs. Enfin, la confiance entre les parties prenantes s’impose comme une condition nécessaire.

UN OUTIL SUR MESURE

Le PSE est en général créé par les bénéficiaires des services environnementaux (une collectivité, une entreprise...), aidés ou non par un acteur intermédiaire qui sert de médiateur. Dans tous les cas, il est indispensable de prévoir du temps d’animation pour convaincre les professionnels dont on souhaite orienter les pratiques en les sensibilisant à l’intérêt du cahier des charges qui leur est proposé. Divers montages juridiques et financiers sont envisageables pour un PSE, faisant intervenir une large gamme d’acteurs. Dans le cas d’un partenariat réunissant exclusivement des acteurs privés (par exemple, une entreprise et des agriculteurs), des contrats se nouent entre, d’une part, les acteurs bénéficiant directement du service écosystémique, et, d’autre part, ceux le favorisant. À titre d’illustration, afin de préserver la ressource en eau qu’elle exploite des pollutions en nitrates et en pesticides, l’entreprise Nestlé Waters (Vittel, 1 million de m3/an) a conclu des contrats longue durée avec une trentaine d’agri- culteurs du bassin versant de la source afin qu’ils modifient leurs pratiques en contrepartie d’une incitation financière (montant moyen 980 €/ha/an pour une durée de 18 à 30 ans)1.

SOUPLESSE

La liberté contractuelle régit les PSE conclus entre acteurs privés : les modalités du contrat (durée, montant du paiement, cahier des charges) s’établissent par une négociation de gré à gré. Par contre, si le payeur est une structure publique, l’aide accordée doit entrer dans un cadre réglementaire afin de garantir l’absence de distorsion concurrentielle. Plusieurs moyens existent alors : inscrire le PSE soit dans un financement Feader, soit dans le cadre d’un régime d’aide d’État existant, ou encore faire recon- naître le PSE par l’Europe via les régimes d’aides notifiés2. Si aucune de ces solu- tions ne paraît envisageable, la création d’une structure intermédiaire de droit privé (par exemple, association loi 1901) permet de sortir du cadre réglemen- taire des aides publiques et garantit une plus grande flexibilité dans la collecte de fonds.

La durée du PSE est fixée par les parties prenantes dans le contrat. Elle varie selon les cas, notamment pour prendre en compte les spécificités propres à chaque contexte. Par exemple, un PSE qui vise à récompenser des bonnes pratiques agricoles s’étalera en général sur une période moins longue (entre 5 et 10 ans) qu’un PSE qui concerne la gestion forestière (15 à 30 ans). Le contrôle de la bonne mise en œuvre d’un PSE peut être effectué par une instance intermédiaire, comme une chambre d’agriculture ou un PNR, qui sert de médiateur et fait des suivis environne- mentaux, mais aussi un auditeur externe privé rémunéré par les parties prenantes au contrat PSE. Dans certains cas, il y a autocontrôle par les fournisseurs de services et bénéficiaires (par exemple, pour des mesures du cahier des charges facilement observables comme l’interdiction de coupes rases). Le contrat PSE doit prévoir des clauses en cas de litiges (non versement ou remboursement des aides, délai de mise en conformité...). Si ces clauses ne sont pas respectées, il peut y avoir un arrangement à l’amiable ou un recours judiciaire.

 S'assurer de l'additionnalité environnementale de l'outil et éviter les chantages écologiques.

En principe, le renouvellement de la contractualisation est possible. Mais il faut s’assurer de l’additionnalité environnementale de l’outil et éviter les chantages écologiques, qui consti- tuent l’une des principales limites des PSE. Celles-ci apparaissent lorsque le PSE est mis en place depuis un certain temps et que la phase transitoire vers des bonnes pratiques ne génère plus ou peu de surcoûts ou coûts d’opportunité. Le paiement n’est alors plus justifié mais les fournisseurs du service peuvent menacer d’un retour aux mauvaises pratiques s’ils n’en bénéficient plus.

Lorsque le contrat est renouvelé, c’est le moment d’étudier la pertinence d’un élargissement du périmètre ou d’une modification du cahier des charges et des modalités du dispositif. Dans certains cas, le PSE sert de transition avant l’application d’une réglementation locale plus poussée.

EXPÉRIMENTATION

L’association des Parcs naturels du Massif central (IPAMAC) a lancé en 2018 une expérimentation visant à étudier la faisabilité de PSE pour répondre à diverses problématiques : préservation des lacs Pavin et de Malaguet, protection de ressources en eau à forte valeur ajoutée (eau minérale naturelle, eau thermale) et des captages d’eau potable sur des secteurs vulnérables, exploitation durable de la forêt du plateau de Millevaches... Les onze cas étudiés se situent à différents stades de « maturité », n’ont pas encore été contractualisés.
Le PSE est apparu comme une réponse pertinente pour laquelle les autres outils disponibles (plans d’action, outil de protection règlementaire, MAEC…) n'apportaient pas de solutions satisfai- santes. Et ce, pour diverses raisons. Il peut s’agir du caractère non pérenne des financements, de la réticence des acteurs à la mise en œuvre de plans d’action, de la faible capacité à payer des fournisseurs de services, d’une régle- mentation insuffisante et ou inadaptée au contexte...

 

  1. La ressource en eau est aujourd’hui en surexploi- tation mais la commission locale de l’eau a malgré tout obligé les usagers de l’eau potable à trouver une solution coûteuse de substitution...
  2. Les régimes d’aides notifiés constituent un cadre juridique qui permet aux institutions publiques de verser des aides à des entreprises lorsque celles-ci n’entrent dans aucun cadre existant.