Définir les habitats marins des puffins
La collaboration entre scientifiques, gestionnaires d’espaces naturels et l’Agence des aires marines protégées (AAMP) fournit des connaissances essentielles à la conservation des prédateurs marins et de leurs milieux. De quoi nourrir une stratégie pour l’identification des sites Natura 2000 en mer.
Le milieu marin est la dernière frontière de la conservation ; acquisitions des connaissances et mises en place de zones protégées y sont très largement en retard par rapport au milieu terrestre. Les contraintes associées aux difficultés à travailler en mer limitent en effet l’acquisition des connaissances nécessaires à la gestion. L’utilisation de nouvelles technologies électroniques illustre comment les connaissances essentielles à la conservation de deux espèces de puffins, le puffin cendré (Calonectris diomedea) et le puffin yelkouan (Puffi nus yelkouan), peuvent être acquises très rapidement. Les puffins sont des espèces sensibles mais aussi emblématiques de la biodiversité marine en Méditerranée. Ils jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement des écosystèmes marins.
Oiseaux discrets en mer et sur leurs sites de reproduction insulaires qu’ils ne visitent que la nuit, ils sont peu connus du grand public et leurs habitats marins sont énigmatiques. Afin de définir leurs aires de répartition en mer et d’identifier leurs zones de nourrissage privilégiées, nous avons effectué le plus vaste suivi télémétrique jamais entrepris sur des oiseaux marins de France métropolitaine. Cette étude de l’AAMP a été menée par le Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier (Cefe-CNRS) en collaboration avec les gestionnaires d’espaces naturels (voir encadré) de six îles françaises de Méditerranée (îles de Marseille, d’Hyères et de Corse). Des appareils électroniques miniaturisés (GPS, géolocateurs, balises Argos, enregistreurs de plongée) fixés sur les puffins nous ont permis de suivre les mouvements des différentes classes d’âge tout au long du cycle annuel, en Méditerranée, mais aussi au cours de leurs migrations, jusque dans l’Atlantique sud ou en mer Noire.
Des analyses isotopiques ont également été effectuées sur plusieurs centaines d’échantillons de plumes afin d’estimer le niveau trophique c’est-à-dire le régime alimentaire des puffins. Ce jeu de données exceptionnel représente la première étude intégrative de l’écologie en mer des puffins yelkouan et complète très largement les connaissances actuelles relatives à l’écologie du puffin cendré en Méditerranée. Le projet a constitué un défi technologique, logistique et humain : il a fallu parvenir, dans un délai de 18 mois, à suivre les mouvements de quelques 200 puffins, en parallèle sur cinq îles différentes dans l’ouest de la Méditerranée (voir carte).
Les aires marines protégées sont des outils essentiels à la conservation des prédateurs marins comme les oiseaux car elles offrent des refuges où l’effet de la surpêche, de la destruction de l’habitat ou des pollutions (hydrocarbures, lumineuses, etc…) est diminué. Le suivi biotélémétrique des déplacements de ces deux espèces, complété par des observations directes depuis des bateaux ou des avions, a permis de démontrer l’importance des aires marines protégées existantes en Méditerranée française pour la conservation des puffins, mais également d’identifier des zones actuellement non protégées mais néanmoins essentielles à leur alimentation, notamment dans le golfe du Lion. Le croisement des informations relatives à l’écologie spatiale des puffins avec les données de productivité des eaux de surface et d’abondance de petits poissons pélagiques permettra d’identifier les caractéristiques de leurs habitats marins et de proposer de nouvelles aires marines protégées permettant la conservation des populations d’oiseaux marins parmi les plus sensibles dans l’ouest de la Méditerranée.
En savoir plus
• http://www.cefe.cnrs.fr/actualites-esp/programme-puffins